Domingo
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 Salle de la machine Virtuelle <3

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Trysh
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Trysh


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MessageSujet: Salle de la machine Virtuelle <3   Salle de la machine Virtuelle <3 EmptyMar 22 Sep - 20:10

==> Manoir

A l’horizon, le crépuscule rendait difficile la distinction entre ciel et mer. L’océan était calme ce matin – ce soir ? – et de fines vaguelettes venaient lécher les pieds que Charlène avait déchaussé. Le contraste entre la fraîcheur de l’eau et la chaleur de la sueur qui coulait sous son armure était saisissant, c’était un peu comme sentir la mort en haut et la vie en bas. Le pourpre du ciel allait bientôt laisser sa place au noir de la nuit, celui qu'elle aimait tant, et elle se demanda l’espace d’un soupir ce qui gît sous ces eaux ancestrales. Et au-delà ?

Quelque part à l’ouest – à l’est ? – passait un galion, en route sans doute vers les terres d’Ecosse, porteurs de paix et de guerriers, de promesses d’avenir et d’esclaves, de vivres et de scorbut. Était-ce vraiment un galion ? Les marchands s'étaient engouffrés dans les courants comme les rats dans Jérusalem après la peste.

Trysh était allongée à côté d'elle. Elle n’avait pas ôté son armure non plus. Paradoxalement, ça l’aurait peut-être gardé en vie ; la lame avait pénétré profond dans la gorge, juste sous la bavière ; sans ce maudit heaume, elle aurait sans doute vu l’Arabe approcher. Elle était morte maintenant, les bras étendus, comme un ultime hommage à la croix rouge qui lui ceint la poitrine, au Dieu auquel elle avait voué son existence et qui ne l’avait pas sauvé du cimeterre d’un païen, à l’Eglise corrompue qui l’avait envoyé dans cet Hadès. Son visage n’était pas paisible, ses yeux grands ouverts sur le ciel hésitant entre jour et nuit, sa bouche béante sur une vie déjà partie. Où ?

L'adolescente tourna le dos à l’océan. Avait-elle prié ? Elle n'aurait su le dire. Avait-elle jamais prié, durant toutes ces années ? La punissait-il en ce jour pour quelques péchés oublié de tous sauf de lui ? Je le saurais bien assez tôt, cuida-t-elle.

Les Arabes attendaient. Les voir partagés entre la peur et le respect la fascinait et la chagrinait à la fois – un sentiment fort étrange. Dans sa poitrine s’était éveillée un inconnu, qui étreignait son cœur et renversait son estomac. A sa droite, il n’y avait plus personne. A sa gauche, il n’y avait que Trysh. Jusqu’au bout au moins, elles auraient été deux.Les Arabes. Curieux peuple. Elle les avait détesté avant de les rencontrer, dès son départ de Paris. Puis, alors qu'elles les tuaient et vice-versa, elle avait appris à les respecter. Mais aujourd’hui, tout ça n’avait plus la moindre importance. Elle était un templier face à cent Maures. La jeune femme pourrait aisément en envoyer une demi-douzaine retrouver leur Prophète – la plupart n'étaient encore que des enfants – mais elle en avait plus la moindre envie. Sa volonté s’en était allée avec l’âme de Trysh. Quoi qu’il en soit, elle tira son épée du fourreau, et la leva haut au-dessus de son épaule. Sa lame rouillée n’accrocha ni rayon de soleil, ni éclat de lune. Elle cria ; peut-être le nom de son dieu, peut-être celui de son mari, peut-être celui de Trysh. Plus vraisemblablement, c’était juste un cri inarticulé.

La fin n’avait jamais été aussi proche. Elle ne l’avait jamais accueillie avec tant de joie.*


Elle courut vers les Arabes, la garde au flanc, et les feuilles de maïs lui giflant le visage.

Malgré l’automne pas très chaud et son gilet, Trysh sentait la sueur en dessous de ses vêtements, qui lui faisait une sensation bizarre – pas vraiment désagréable, ceci dit. Elle ne courrait pas depuis très très longtemps, mais elle était déjà toute essoufflée. Le champ de maïs du père de Charlène était super grand, et elle avait un peu peur de s’être perdu. La gamine essayait de pas trop penser à tous les trous dans lesquels elle pourrait mettre le pied – vu sa vitesse, ça aurait sûrement pas été l’idée du siècle – et se contentait de courir tout droit, toujours tout droit. Tout autour d'elle était bleu comme le ciel sans nuage, et un mélange flou de jaune et vert. Des fois, ses bras passèrent rapidement dans le coin de ses yeux, quand ses manches trop longues s’accrochaient à un épi de maïs.

Et puis, soudain, une ombre blanche passa d’un coup devant elle. Trysh s’arrêta dare-dare, si vite qu'elle en oublia de respirer pendant une seconde ou deux. Ses cheveux arrêtèrent de voler en arrière à cause de la vitesse et lui tombèrent devant les yeux, elle les chassa d’une main et posa l’autre sur le côté de son ventre – c’était en feu là-dedans ! – et puis finalement elle enleva son gilet, elle avait vraiment trop chaud là-dessous, et puis le soleil commençait à monter bien haut dans le ciel, de toutes façons.

En même temps qu'elle le noua autour de sa taille, tourna la tête de tous les côtés pour essayer de trouver la silhouette qui venait de passer devant elle. Celle-ci était venu de droite, et était partie à gauche. Trysh avança un peu là où elle lui était passée devant – c’était un espèce de chemin qui coupait le champ en deux – et la chercha des yeux. Pas loin devant elle – à gauche, donc – le bas d’une robe blanche disparut entre deux autres rangées de maïs. Elle était plus très loin, alors la gamine ré accéléra, et tailla un sprint. Et puis, au lieu de continuer jusqu’au virage que la silhouette avait pris, elle coupa un peu avant, et courut en diagonale – l’idée, c’était bien sûr de lui barrer le passage. Le soleil était moins fort quand elle se retrouva encore à courir entre les hauts brins verts, mais restait aussi chaud sur sa nuque. Les épis recommencèrent à lui fouetter les joues, mais elle savait qu’il y en avait plus pour longtemps. Dès qu'elle aperçut la dernière rangée de maïs – derrière, le vert était plus sombre, c’était celui de la forêt – elle sauta carrément de l’autre côté et retomba un genou sur le chemin.

Cri feintant la surprise.


« Je t’ai eue, toi. »

Trysh se tourna vers la gauche, et elle était là, debout sur le chemin. A ses mains croisées sur sa poitrine, au-dessus de ses seins tous jeunes, on pouvait dire qu’elle avait pas vraiment eu peur en la voyant surgir comme ça devant elle. Elle restèrent un petit moment sans bouger, et se regardèrent dans les yeux sans rien dire. Et puis, la gamine avança vers elle, pas trop vite. Le soleil était à moitié caché par un nuage, et des ombres en forme de papillons atterrissaient sur le visage de Charlène. S'arrêtant devant celle-ci, la pointe de ses propres pieds touchant pratiquement la pointe de ses pieds. Et puis elle se rendit compte qu'elle ne savait pas quoi dire ou quoi faire. Un coup de vent balaya le champ et ses cheveux, et bon sang ! Qu’est-ce qu’elle était belle. Alors sans réfléchir, sachant que soit elle allait le regretter, soit elle allait le regretter, elle posa une main sur sa joue – fraîche, évidemment – et l’embrassa. Maladroitement, elle s'en rendit compte tout de suite, mais c’était certainement plus son cerveau qui réfléchissait pour elle en ce moment. Cela dit, Charlène se laissa faire, et elle sentit toute la tension s’évacuer – en fait, elle avait l’impression de se dégonfler comme un ballon de baudruche. Ses lèvres étaient… douces, dirai-elle. Douces et… soyeuses, si on pouvait dire ça pour les lèvres d’une fille de douze ans. En même temps elle en savait rien, elle avait que douze ans aussi. Quand elle se séparèrent, elle sentit comme un crochet lui tirer les lèvres vers l’oreille gauche. Trysh devait avoir l’air d’une vrai débile. Ou pas, vu que Charlène avait le même sourire timide et gêné et qu’elle était toujours magnifique. La gamine avait pas remarqué que son amie lui avait pris la main gauche – ou que c'était elle qui lui avait pris la main droite – mais pour tout l’or du monde, elle ne la lâcherait pas. Soudain, un grand bruit troubla le calme du champ, quelque part à gauche. Un groupe de corbeaux passa bruyamment au-dessus d'elles; Trysh tourna la tête à sa droite, et dit :*

« Eh, regarde ! »

Charlène tourna la tête dans la direction que lui indiqua le flingue Trysh. Puta*n, rien que faire pivoter ses cervicales à quatre-vingt-dix degrés déclencha une batterie de casseroles sous son crâne – vodka + coke + trois heures de sommeil = pas l’idée du siècle. Se lever et s’envoyer une banque sans même un putain de café, fallait vraiment être barrées. Welcome to Charlène’s world.

Bref, Elle tourna la tête dans la direction que lui indiqua le flingue de Trysh. Mauvaise idée, considérant que le .9mm est pointé droit sur la grande fenêtre qui laissait passer environ 100% des rayons d’un soleil qui ne pouvait être aussi éclatant que pour l'emmerder. Sans compter les pointes de lumière bleu et rouge que lui balançaient dans les rétines les gyrophares des flics. Merde, toute la volaille de New York était venue les enfermer dans le poulailler !


« C’est qui le put*in d’abruti qu’a pas tiré les rideaux, nom de Dieu ? » gueula une voix rauque dégueulasse.

C’est seulement quand Trysh la regarda, les lèvres étirées sur un sourire totalement hors de propos -va crever, Trysh- qu'elle réalisa être l’heureuse propriétaire de la voix dégueulasse. Fallait qu'elle arrête la cigarette.

Ils étaient quatre debout dans la banque, debout sur le carrelage éclatant de salle de bain -un point en plus à sa migraine. Outre Trysh et elle, y’avait Chase, un gamin d’à peine quinze piges, et Richie, un croisement improbable entre Perry et Chuck Norris. ( Je sais pas trop si vous arrivez à vous l’imaginer, mais je vous le souhaite vraiment pas).

Bref, Chase se pointa de derrière une plante en pot, coiffée comme une caissière, et eut la présence d’esprit de tirer ce putain de rideau, qui glissa comme une guillotine tout le long de la vitre. Pas vraiment utile, ceci dit, vu qu’il était plus ou moins transparent et que les uniformes derrière commençaient à sortir assez d’artillerie pour rapporter la démocratie au Viet.


« Eh », fit-elle à une fille assise contre le comptoir, « le truc pour teinter les vitres à la fermeture, il est où ? »

Elle lui lança le regard d’une écrevisse anesthésiée, et Charlène répèta len-te-ment sa question, lui calant son feu sous le menton. Après qu’elle lui ait désigné un bouton de l’autre côté du comptoir et que Chuck l'ornithorynque, occupé à remplir des sacs de portraits de présidents, ait appuyé dessus, la banque se remplit d’une douce pénombre.

Charlène sentit la migraine refluer en même temps que la lumière, et histoire de faire quelque chose, elle resta planté là comme une idiote.

En fait, elle était une idiote. Elle vit très bien ce puta*n d’agent de sécurité se relever, derrière Trysh, et descendre la main vers son ceinturon triple XL. Un vrai tas de lard, celui-là. Elle aurait du sans doute dire quelque chose, genre,
« bordel, Trysh, derrière toi ! », ou alors juste lever le bras et loger un pruneau dans le gilet pare-balles 100% pur porc de Mister Hero of the Day, et sans doute même qu’un simple cri à la c*n aurait suffit à faire cracher les flingues des trois autres. Et puis pourquoi, bordel de Dieu, pourquoi personne a pris son flingue à ce gros fumier ?

Bref, elle fit rien. Enfin pas exactement ; elle cogitait à mort, ça se bousculait sous ses cheveux blancs, ces put*ins de cheveux blancs que tous ceux qui maintenant se pissaient dessus avaient dû prendre pour une perruque. Faut dire, ça allait super bien avec le gun et le costard. Et, voilà-t-y pas que pendant que les canons de Navaronne sonnent le rappel de la cavalerie entre ses oreilles, Gros Fumier sortit son flingue (si on peut qualifier de flingue le pétard merdique qui disparaissait à moitié dans sa patte), et décida qu’un troisième œil irait foutrement bien à Trysh.

Faut lui reconnaître ça : il vise bien, pour le fils caché de Jon Brower Minnoch. Un jet de sang – fort joli, au demeurant – sortit du front de la demeurée. Elle lui avait dit que c’était pas une bonne idée.

De là, tout s’enchaîna plutôt logiquement. Les gonzesses hurlèrent à s’en péter la guêpière, les mecs poussèrent des « Oh mon Dieu, oh mon Dieu, oh mon Dieu », et Perry Norris transforma Quart D’heure De Gloire en confettis. Ah oui, parce qu'il avait une mitraillette sur lui, un jouet assez imposant, qui annihilait la moindre particule de silence dans la banque, qui faucha quatre personnes avant d’atteindre le gardien, qui repeignit la moitié du sol en un rouge très Déco, et qui bousilla la vitre. Ce fut ce qui poussa les poulets à charger.

Alors d’accord, elle a pas été rapide jusque là, mais quand toutes les troupes d’occupation du Koweït lui foncèrent dessus, elle eut le réflexe de sauter par-dessus le comptoir, et de se péter le genou sur un tiroir ouvert.

Tout alla très vite, donc, parce qu'elle avait surtout conscience du bruit de mitraille, des cris, et de la douleur dans son genou et dans son crâne. Elle hurla
« STOP ! ». Et tout s’arrêta.

Littéralement. Tout était arrêté, figé. Un banc de balles grosses comme la – enfin, grosses – était suspendu à un mètre cinquante du sol, là où la tête de Chase était en train d’exploser en une gerbe de sang un peu trop blanc pour n’être que du sang. Un uniforme était bizarrement projeté en arrière pendant que la bouche de Richie était ouverte sur un rictus plein de bave, et des billets volaient un peu partout, immobiles. Toutes choses égales par ailleurs, le spectacle était plutôt joli. Bien que le moine y apportait une touche légèrement surréaliste, pensa-t-elle.

Moine à cause de la robe noire qui cachait aussi bien ses pieds que son visage. Sous la capuche, elle croyait percevoir un mouvement, à peine plus distinct qu’une ombre dans la nuit.


« Tu es forte, mais ton voyage n’est pas terminé ».

C’est le moine qui avait dit ça, bien sûr. Elle dit « quoi ? », et il tendit une main vers elle ; une main aussi blanche que celle d’un mort. La douleur disparut tandis qu'elle fut projetée en arrière à la vitesse approximative de… Eh bien, vachement vite.*


Dernière édition par Trysh le Mar 22 Sep - 23:53, édité 5 fois
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MessageSujet: Re: Salle de la machine Virtuelle <3   Salle de la machine Virtuelle <3 EmptyMar 22 Sep - 21:28

Son dos entra en contact avec le mur, et il balança son sac à ses pieds d’une main, tandis que l’autre essuya hâtivement la larme qui s’échappait de son œil gauche. Coup d’œil hâtif et fautif au hall de l’amphi ; personne. Normal, lui dit l’horloge qui pointait deux heures pile : le partiel se terminerait normalement dans trois heures. Lubin était parti au bout d’une heure. Le seul idiot à être partie si tôt, bien sûr. Probablement le seul idiot à s’être planté en beauté. Quel con.

Il n'essayait même plus de retenir ses larmes, qui lui coulaient doucement sur les joues. Silencieusement au moins, c’est déjà ça.

Mais quelle buse ! Trois semaines de révisions, quatre bouquins à la reliure ridée à force de les retourner dans tous les sens, deux recueils d’annales… tout ça pour rien. Tout ça pour foirer comme jamais la matière la plus importante du semestre – de l’année, même. Dès la copie sur la table, il avait su qu'il n’irait pas loin. Les questions de cours étaient assez faciles, mais pas vraiment essentielles. Le reste… Il n’arrivait pas à le croire. Il était pourtant bon en thermo ; 14,5 en continu, les félicitations du tuteur, ses encouragements dénués de toute inquiétude quant à ses chances de succès… Et voilà où le jeune homme en était. A quitter la salle au bout d’une heure, sous les regards étonnés des deux cents autres étudiants. Sous le regard déçu de Charlène. Oui. C'était ça, le pire ; le regard déçu Charlène. Celle qu'il connaissait à peine, avec qui il avait difficilement eu plus de deux discussions dans l’année, mais qui restait en toutes circonstances d’une gentillesse à tomber par terre. Et, bien entendu, une vraie chef en physique thermodynamique. Qu’est ce qu'il ne donnerait pas pour être moitié moins bon qu'elle !

Lubin releva la tête. 14h17. Deux étudiantes passèrent devant lui, sans lui accorder l’aumône d’un regard – tant mieux. Deux bimbos, Marie et Bénédicte, quelque chose comme ça. Pour ce qu'il en avait à faire ! Qu’elles aillent au diable, elles et tout le reste de cette foutue université, tout le reste de cette foutue région, tout le reste de cette foutue France dans laquelle il était définitivement foutue, tout ça à cause d’un foutu exam foiré ! Phoque !

La porte de l’amphi s’ouvrit en grinçant, et il sécha maladroitement ses larmes d’un ample coup de manche. L’entrebâillement lui laissa brièvement apercevoir quelques étudiants penchés sur leur copie, un crayon tournoyant dans une main ici, une calculatrice sollicitée là, un sourcil froncé plus loin. Pas un regard perdu ou songeur ou hésitant ou hagard ou quoi que ce soit. Il était le seul à s’être planté. Sa copie irait droit sur le tas « déchets ».

C’était Charlène qui en sortit, justement. Elle qui aurait sans l’ombre d’un doute la note maximale, Charlène de qui émanait une confiance absolue, et qui n’a même pas conscience d’être vachement mignonne tandis qu’elle jetait son sac sur son épaule. Qu’est-ce qui lui prenait de venir vers lui ? Dégage ! A tous les coups, elle va lui parler du partiel. "Et t’as mis quoi comme hypothèse zéro à l'inégalité de Clausius ?" Mais qu’est-ce qu'il en savait ? Il aurait dû être fonctionnaire, comme sa mère.


« Hey. »

Hey toi-même. Qu'elle aille pas lui faire croire qu'elle a pas remarqué qu'il était en train de chialer. Comme quoi on peut-être super mignonne et futur prix Nobel de physique et pas franchement fut-fut. Et la voilà qui s’assied à côté de lui, non mais oh ! IL VEUT PAS EN PARLER, C’EST SI DUR À COMPRENDRE ?

« Hey », lui répond-il sans la regarder, d’un ton carrément hargneux, espérant qu’elle dégage aussi sec. Mais non, elle s’installa, étendit tranquillement ses jambes, se fit craquer la nuque, soupira.

« Je suis sûre que t’as pas raté autant que tu le crois. »

Mais de quoi elle se mêle ? Va te bourrer et lâche moi la grappe !

« Je suis parti au bout d’une heure. Ca fait soixante minutes, Charlène. J’ai pas touché au cas – j’y ai pas du tout touché. Sois gentille, me dis pas que j’ai pas raté, ok ? »

Lubin ne le regarda pas, mais il la sentit gênée. Tant mieux – pourquoi serait-il le seul ? Faites tous chier.

Au bout d’un moment, Charlène tourna la tête vers lui, et le regarda une bonne minute sans rien dire. Le jeune homme tourna la tête à son tour, répondit à son regard neutre d’un regard neutre, et il se rendit compte que c’était la première fois qu’il était si proche d'elle. Ses hormones décidèrent que c’était le bon moment de l’emmerder ; la physique aura définitivement joué contre lui toute la journée. Oui, les hormones c’est de la chimie – il s’en contrefout.

« Tu veux aller prendre un chocolat chaud ? demande-t-elle.

- D’accord. »

Elle se lève et lui tendit une main qu'il attrapa et pressa sans doute un peu trop fort. Une fois debout, elle continua de serrer ses doigts. Lubin ne sut pas vraiment qui avança vers l’autre, si c’était un de ces mouvements conjoints savamment orchestrés comme on n’en voyait que dans les films, toujours est-il qu’ils s’embrassèrent. Forcément, même ça, elle le faisait très bien. Il la détestait pendant qu'il avança sa langue dans sa bouche, chose qu’une fille respectable comme elle ne ferait jamais lors d’un premier baiser. Il le détestait elle et sa manie d’être parfaite, et la serra plus fort contre lui. Il la détestait, et quelques larmes vinrent se mêler à leur baiser. Il la détestait et appuya plus fort ses lèvres contre les siennes.

Au bout d’une éternité de quelques secondes, leur lèvres se descellèrent, et il lui dit, souriant :


« Eh bébé, va me chercher à boire. Et prends moi des chips au paprika s’teplaît »

Charlène s’exécuta sans répondre, marchant sur des débris de verre, recouvrant les semelles d’un mélange de boissons et d’autres substances difficilement identifiables. Il devait sûrement avoir une sortie de secours à l’arrière. Est-ce qu’il la pourchasserait ? Est-ce qu’elle en avait encore quelque chose à foutre ? Seigneur, ce qu’elle était épuisée…

Au détour d’un rayon, son cœur s’arrêta de battre, et elle sentit la boutique tourner autour d’elle. La jeune femme tomba à genoux, s’ouvrant le gauche sur un tesson de bouteille. Elle resta immobile dans cette position, sentant un haut-le-cœur s’emparer d’elle, puis tomba à quatre pattes, ses mains glissant dans une flaque d’eau à la surface de laquelle flottait une balle.

Une autre était logée dans la poitrine d’une gamine, assise au sol, le dos sur la porte transparente d’un frigo XXL. Une tache de sang s’étendait lentement sur sa chemise blanche, soulignant ses seins à peine formés. Sa jupe était remontée lorsqu’elle avait glissé le long de la porte. Et elle n’était pas morte. Ses yeux paraissaient étonnamment lucide, dans ce contexte, et alternaient entre le visage horrifié de Charlène et l’arme qu’elle tenait encore à la main.

« Oh mon Dieu, gémit la jeune femme en rampant vers la jeune fille.»

Celle-ci, voyant Charlène s’avancer, armée, prit peur ; elle tenta de reculer, ne semblant pas se rendre compte du frigo qui lui barrait la voie. Ses bras et ses jambes s’agitèrent comme ceux d’une marionnette désarticulée, ses yeux s’agrandirent, et des larmes se mirent à en couler abondamment. Elle ouvrit et referma plusieurs fois la bouche, sans qu’en sorte autre chose qu’un filet de sang qui lui coula le long du menton et tâcha encore plus sa chemise.
Arrivée à son niveau, la jeune femme posa une main sur sa poitrine, et la retira imbibée de son sang encore chaud.


«Je suis désolée, chuchota-t-elle, des larmes coulant à présent sur son visage à elle aussi. Tellement désolée… Oh, mon Dieu, oh seigneur, oh pitié…»

Elle se laissa tomber à côté de l’adolescente, s’éclatant le deuxième genou sur un morceau de fer, et amena sa tête contre sa poitrine à elle. Elle commença à la bercer, ses larmes tombant sur son visage enfantin et se mêlant aux siennes. Elle la berçait, et la recoiffa maladroitement de la main qui n’avait pas lâché l’arme. Elle la berçait, et lui murmura un flot de paroles rassurantes. Elle la berçait, et le regard de la fille, à présent ni accusateur, ni teinté d’incompréhension, restait accroché au sien. Elle n’avait même plus l’air effrayée. Elle la regardait, c’était tout.


«Je suis désolée, murmurait Charlène, se balançant d’avant en arrière. Je suis désolée, je suis déso-

- Bordel, tu te ramènes merde ? Tu fois quoi put-»


Il s’interrompit en débouchant de l’allée principale et ne resta cependant pas muet très longtemps:

« Je crois que c’est un succès, finalement. »

Judith - robe blanche, visage blanc, sourire blanc sur dents blanches – assèna cette sentence d’un ton méthodique, dont la froideur contraste avec la lueur dans ses yeux et l’étirement de ses lèvres. C'était le seul constat que Charlène eut le temps de faire avant qu’une intolérable vague de douleur ne submergea à nouveau chaque parcelle de son être. Derrière ses paupières défilent à une vitesse hallucinante plus d’images qu'elle ne pouvait en voir, brûlant ses rétines de l’intérieur. Dans son esprit sont gravés au burin plus de souvenirs qu'elle ne pouvait en assimiler.

Puis tout continua, et tout changea. D’océan, la douleur devint rivière ; elle était tangible, elle suivait un cours physique concret. Elle la voyait : la douleur était un flot carmin qui s’écoulait en bouillonnant partout dans son corps et dans son esprit, et dans son âme nouvellement éveillée.

Et d’un coup, tout s’arrêta, comme une prise venant d’être débranchée. La douleur disparut – elle n’a même jamais été là. Les mémoires rebondissaient toujours dans sa tête, aussi éphémère qu'un rêve.


« C'était quoi ce...

- J'ai choisi quelques jeux, partie d'histoire, films... En choix aléatoire et personnalisé comme tu me l'avais demandé. T'inquiète paupiette, d'ici quelques minutes, tu auras pu mal au crâne. Hi. »


L'adolescente enleva son casque, et le posa sur le siège en cuir qu'elle venait de quitter. La salle circulaire semblait tournait dans une ronde sans fin, et bientôt, ses jambes risquaient de céder sous elle. Titubant jusqu'à l'escalier en colimaçon, et se dit que la prochaine fois qu'elle y remettrait les pieds : elle choisirait elle-même les paramètres de jeu. A présent, elle devait impérativement prendre l'air, et le crachin continuel lui ferait du bien.

Et près d’une maison, très loin d’ici, un corbeau volait et alla s’écraser contre une vitre. Car ce corbeau ne voyait plus très bien.
Ce qui n’a strictement rien à voir avec l’histoire.



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